AU PIED DU MINISTERE DE LA (L’IN)JUSTICE : MIGRANT·E·S, L’URGENCE DE (RÉ)AGIR

 

Le 30 janvier 2018, Julien DENORMANDIE, secrétaire d’État auprès du ministre de la Cohésion des territoires, affirmait sans sourciller que « c’est à peu près une cinquantaine d’hommes isolés en Île-de-France [qui dorment dehors], pour être très précis. » Quelques jours plus tard, le 5 février 2018, un député de la République en marche (LREM), Sylvain MAILLARD, reprenait la ligne gouvernementale… et d’ajouter que « certains souhaitent rester seuls dans la rue, c’est leur choix. Rien ne les oblige à être mis à l’abri. »

 

Toutefois, un simple détour par le bord des canaux à Jaurès ou au Millénaire suffirait à convaincre de ce que le Gouvernement est bien en-deçà de la réalité. Le weekend des 3 et 4 mars 2018 seul, la population du campement du Millénaire aurait plus que doublé. L’enquête la plus récente effectuée par l’Insee) remonte à 2012 et chiffrait à 143 000 personnes sans logement en France. Le site d’information InfoMigrants chiffrait à quelque 900 migrant·e·s celles et ceux qui vivaient dans les rues de Paris loin de la cinquantaine avancée par le Gouvernement. On est également loin de la promesse d’Emmanuel MACRON : « d’ici la fin de l’année, je ne veux plus personne dans les rues, dans les bois. » L’organisation d’une « Nuit de la Solidarité », le 15 février 2018 à Paris et à l’occasion de laquelle un décompte anonyme des personnes en situation de rue a été réalisé. Elles seraient au nombre de 211 dans le 19ème arrondissement. Voilà qui devrait mettre un terme aux querelles de chiffres et permettre d’adapter les réponses proposées.

 

 

Le projet de loi Asile et Immigration  : un dangereux recul des droits des personnes migrantes

 

Le projet de loi Asile et Immigration a été présenté au conseil des ministres, le mercredi 21 février 2018. Ce projet de loi s’inscrit dans la continuité de politiques anti-migrants conduites depuis les années 1980 et va plus loin encore dans l’approche répressive. Il entérine une vraie dégradation des situations des personnes étrangères. Il suffit pour s’en convaincre de se pencher sur quelques articles qui figurent au sein du projet de loi.

 

L’article 5, abaisse le délai de demande d’asile de 120 à 90 jours en procédure normale ce qui fragilise l’accès aux droits des demandeurs d’asile.  En outre, l’office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) pourrait imposer la langue dans laquelle le demandeur d’asile sera entendu ou bien encore convoquer les personnes par tous moyens (téléphone, mail, texto), au risque que la convocation ne parvienne pas aux intéressé·e·s. L’article 6, réduirait quant à lui le délai de recours devant la CNDA d’un mois à quinze jours. Ainsi que l’ont rappelé les agents de la cour nationale du droit d’asile (CNDA) en grève contre le projet de loi, les « demandeurs ont besoin de temps pour constituer leurs recours. Certaines pièces viennent de l’étranger. Ce ne sont pas des personnes qui arrivent avec un dossier de demandeur d’asile tout prêt. »

 

De plus, l’article 8 rendrait les recours devant la cour nationale du droit d’asile (CNDA) non suspensifs pour les personnes ressortissantes des pays dits « sûrs » (un label fixé en conseil d’administration de l’OFPRA). En pratique, cela signifie qu’un demandeur d’asile pourrait être expulsé avant l’instruction de son recours par la CNDA.

 

Enfin, l’article 16 alignerait le régime de retenue administrative (16h) sur le régime de la garde à vue (24h) Une telle criminalisation, inique dans un état de droit de personnes déjà en situation de précarité administrative – outre le fait qu’elle poursuit une politique aussi coûteuse qu’inefficace en termes d’immigration « maîtrisée » – serait confirmée par la création d’un délit de franchissement non autorisé des frontières de l’espace Schengen, qui serait alors passible d’un an d’emprisonnement et de 3 700 € d’amende.

 

Une manifestation a eu lieu le 21 Février à 18h30 de la place saint Michel à l’Assemblée Nationale. Elle a réuni 1000 à 2000 personnes pour rappeler ce que Brigitte WIESER, membre fondateur du réseau éducation sans frontières (RESF), écrivait quelques années plus tôt à Brice HORTEFEUX : « chacun devrait hurler pour que notre société ne tourne pas définitivement le dos à la solidarité et à la fraternité. »

 

 

Des solutions pour un accueil digne

 

Toutefois, cette solidarité ne saurait faire l’économie des questions logistiques qu’elle pose.

 

En effet, la saturation des dispositifs d’hébergement d’urgence amène beaucoup de sans domicile à renoncer au 115, d’après le SAMU social : rien qu’au mois de novembre, à Paris, 75 % des demandes d’hébergement n’ont pas abouti.

 

D’après le site d’information InfoMigrants, dès lundi 5 février, la préfecture de Paris a activé le Plan Grand froid et ouvert près de 675 places en hébergement d’urgence dans la région parisienne, dont 238 à Paris (en plus des 1 500 déjà ouvertes dans le cadre du dispositif hivernal et des 16 000 disponibles à l’année).

 

Pourtant, très peu de migrants ont pu en profiter, notamment par manque d’information des professionnel·le·s sur la localisation des places. Surtout, la circulaire COLLOMB du 12 décembre 2017 s’inscrit clairement dans une logique de recensement, d’étiquetage et de triage. Son application entraînera irrémédiablement une défiance envers les dispositifs pour les plus précaires (déboutés du droit d’asile et « dublinés ») et donc, leur invisibilisation. Les violences policières signalées par certaines personnes migrantes dans le 19ème (contrôles incessants, réveils brutaux, etc.) ne sont pas pour améliorer la situation, au demeurant déjà dénoncée par Médecins sans frontières (MSF) l’an dernier.

 

C’est ce qui a amené le groupe écologiste parisien (GEP) à réclamer sans discontinuer la réquisition des nombreux bâtiments vides de la ville et de l’État, en particulier parce que « dans le Nord-Est parisien, il y a un enjeu très important de mise à l’abri de jeunes isolés ». Les écologistes appellent en effet à une mobilisation générale pour mettre à l’abri toutes les personnes dans le besoin. Des milliers de mètres carrés sont disponibles à Paris et dans la métropole : nous devons pouvoir les réquisitionner pour répondre à l’urgence sociale.

 

Plus que jamais, il est urgent de (ré)agir !