Préservons et investissons dans les jardins d’enfants

Intervention d’Aurélie Solans au Conseil de Paris de septembre 2017

Mes chers collègues, en janvier dernier, nous adoptions en Conseil un plan pour rénover et moderniser les 22 jardins d’enfants dits « de Paris Habitat ». Nous partagions tous le constat d’une nécessité à investir dans ces établissements municipaux. Un peu en marge des évolutions, des dispositifs, des réseaux, ce plan était nécessaire : tarification revue, alignée ; statut des personnels mis en conformité ; rénovation bâtimentaire. Ces axes du plan montrent bien la volonté de notre Ville de les préserver.

Nos 22 jardins d’enfants dits « de Paris Habitat » sont parmi les plus anciennes structures dédiées à la petite enfance dans notre ville. Je me permets, encore une fois, un peu d’histoire. Créés à partir du début des années 1920, ils ont été une véritable innovation sociale et pédagogique. A une époque où l’école maternelle était encore à ses balbutiements sur une tranche d’âge, où l’école n’était pas obligatoire, leur création visait très clairement à améliorer la réussite scolaire des enfants issus des milieux défavorisés. Ils sont issus d’un mouvement pédagogique né en Europe au XIXe siècle, précurseur en matière de pédagogie active, et ont pour modèle les fameux « kindergarden » qui, en Allemagne notamment, jouent un rôle de premier plan dans l’éducation des jeunes enfants.

Dans une époque où se posent beaucoup de questions et de défis sur l’éducation des jeunes enfants, en particulier dans la lutte contre l’échec scolaire et la reproduction des inégalités, la singularité des projets de ces jardins d’enfants de la Ville mérite très clairement d’être préservée et dynamisée.

De ce point de vue, l’étude que nous votons aujourd’hui, qui sera lancée avec l’observatoire du changement de Sciences Po Paris autour de leur apport éducatif et de leur fonctionnement sur trois années, permettra d’en savoir plus sur l’impact de ces structures d’accueil, sur les trajectoires, en particulier les trajectoires scolaires de ces enfants.

Dans le même temps, et c’est certain, c’est certainement un facteur déterminant de leur intérêt et de leur pérennité, ces jardins d’enfants sont fréquentés depuis longtemps par les enfants de familles de catégories socio-professionnelles variées, qu’elles soient locataires, chez le bailleur social ou non. Une mixité sociale est à l’œuvre au cœur de ces immeubles sociaux.

Alors, chers collègues, vous comprendrez bien que, attachés à ces lieux, nous n’adhérions pas à la fermeture de l’un d’entre eux qui nous est soumise au vote dans cette délibération. Nous ne sommes pas les seuls à Paris puisque personnels et parents ont eu l’occasion déjà, au printemps dernier, de se rassembler devant l’Hôtel de Ville contre une telle décision. Certes, le jardin Mathurin-Moreau est le seul qui ferme à Paris sur 22. Certes, le 19e est bien doté en jardins d’enfants. Certes, ce jardin d’enfants est en sous-fréquentation. Mais, tout de même, nous sommes dans un quartier « politique de la ville » au cœur des Chaufourniers, une telle structure rend des services précieux dans l’accueil des enfants porteurs de handicap, dans la préscolarisation des enfants de 2-3 ans et aussi dans l’accueil des enfants primo arrivants, tout cela dans des conditions très adaptées et favorables. Pourquoi nous défaire de cet outil précieux ?

Et la sous-fréquentation ne peut être un argument de fermeture sans avoir travaillé à le rendre visible, à le moderniser, sans avoir travaillé à relancer la dynamique de projet du lieu.

Bien sûr, nous devons tenir nos objectifs en matière de places en crèche, mais n’opposons pas les besoins. Tout ce secteur est un formidable levier de prévention, d’égalité, de bienveillance. Dans nos quartiers populaires, c’est tout un maillage que nous devons consolider.

Les jardins d’enfants, en complémentarité de nos structures petite enfance, et de nos écoles maternelles doivent y prendre toute leur part.

Notre groupe a largement échangé avec vous, Madame OUMER, avec votre équipe et celle de la Direction de la Famille et de la Petite Enfance, et je vous remercie sincèrement ainsi que le directeur de la DFPE, nous ne sommes pas fermés à des évolutions de projets en faveur d’un lieu innovant accueillant une tranche d’âge plus large, avec l’intégration d’enfants plus petits par exemple.

Ce type d’établissement, qui existe ailleurs dans le monde, serait inédit à Paris et en France. Vous avez d’ailleurs maintenant et vous nous en direz peut-être plus, une piste de travail pour l’avenir d’un jardin d’enfants dans le 12e. C’est une démarche vraiment intéressante, même si j’ai entendu beaucoup de réticences de la part de la communauté éducative sur cette piste. Il faudra, je crois, les écouter attentivement pour charpenter un projet solide au risque que nos objectifs soient incompris.

Pour finir, je tiens à rappeler que l’O.C.D.E. regrette dans son rapport 2017 sur l’éducation le fait qu’il existe en France une césure préjudiciable entre l’accueil préscolaire et l’école et que beaucoup de pays disposent aujourd’hui d’un système d’accueil des moins de 6 ans dit « intégré », où les personnels des différentes structures travaillent ensemble. Cette approche pédagogique commune, qui permet d’adoucir la transition entre la crèche et l’école et d’avoir une cohérence dans leur parcours scolaire.

De ce point de vue, nos jardins d’enfants parisiens sont à considérer comme vraiment exceptionnels. Loin de les opposer encore une fois aux crèches, ou à l’école maternelle, ils ont un intérêt que le plan va permettre de valoriser au service de l’inclusion et de l’innovation.

Notre groupe s’abstiendra donc sur cette délibération, étant entendu que si nous ne sommes pas d’accord avec cette décision prise aujourd’hui pour ce jardin d’enfants, nous soutenons pleinement le plan de rénovation qui lui, est incontournable pour ces structures.

Je vous remercie.